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INTERVIEW

Une coopération franco-chinoise pour le développement africain


- 6 Juin 2014



Philippe du Fresnay

Une coopération franco-chinoise pour le développement africain
1, La France et la Chine peuvent être partenaires plutôt qu'adversaires en Afrique? D'après vous, quels sont les avantages de ce genre de partenariat?
 
Lors de son passage à Paris en Mars dernier Xi JinPing a affirmé sa volonté d'approfondir le partenariat global stratégique sino-français, notamment vis-à-vis de l’Afrique. La Chine y a dépassé la France en 2007 en matière d'échanges commerciaux pour devenir le premier pays partenaire de l'Afrique en 2009 avec plus de 200 milliards de Dollars par an. Mais la France est un acteur important du système politique européen et au niveau continental, l’Union Européenne reste le premier partenaire commercial du continent africain et son premier donateur (4,4 milliards d’euros en 2012).
 
On parle donc de deux nations clés dans le développement africain, qui n’ont d’ailleurs pas vocation à y être concurrentes: selon Kong Quan, ancien ambassadeur de Chine en France, la coopération Chine-Afrique n'est pas comparable à celle observée entre l'Afrique et l'Europe. Il s'agit de deux modèles différents, Nord-Sud et Sud-Sud. Les leviers de coopération tripartite sont donc plutôt qualitatifs, en fonction des avantages comparatifs de chacun : pour simplifier, la puissance industrielle de la Chine et l’expérience politique de la France.
 
2, Economiquement, la France et la Chine peuvent coopérer dans quels domaines? Est-ce que les deux pays sont complémentaires dans le marché africain? Avez-vous des exemples à donner?
 
D’abord, dans l’énergie : deux tiers des pays africains ne sont pas producteurs de pétrole. La Chine et la France peuvent leur apporter des solutions alternatives (nucléaire, solaire ou éolienne) qui combinent le savoir-faire français avec l’exécution et le financement chinois. L’Afrique du Sud a déjà proposé en 2012 à EDF/AREVA de répondre en partenariat avec la compagnie chinoise d'électricité nucléaire CGNPC à un appel d’offre pour un marché de 40 milliards d’euros.
 
Ensuite, dans le domaine médico-sanitaire. Le secteur pharmaceutique français est un des leaders mondiaux dans son domaine ; il est aussi historiquement très présent en Afrique. Mais le continent est devenu le premier importateur de médicaments chinois en 2012 avec 1,47 milliards de dollars d’approvisionnement. C’est une piste de synergie non négligeable.
 
3, Politiquement, quelle est l'importance de la coopération sino-française en Afrique?
 
La Chine et la France sont membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU et ont à ce titre une responsabilité internationale à assumer. Paris dispose en Afrique d’accords de coopération militaires et de troupes pré-positionnées qui peuvent être utiles au maintien de la paix. La Chine n’en a pas et ne cherche pas forcément à en obtenir car historiquement, elle s’est toujours prononcée contre le colonialisme et prône le « devoir de non-ingérence ». C'est donc là une occasion de coopération importante, comme lorsque Pékin a publiquement soutenu la France lors de son intervention au Mali.
 
De plus, la Chine ouvre plusieurs centres Confucius d’enseignement du Mandarin en Afrique mais la langue française restera le meilleur moyen pour les Chinois de s’y adapter. Bénin, Burkina Faso, Burundi, Cameroun, Comores, Côte d'Ivoire, Djibouti, Gabon, Guinée, Guinée équatoriale, Madagascar, Mali, Niger, Républiques centrafricaine et des Congos, Rwanda, Sénégal, Seychelles, Tchad et Togo utilisent le Français comme première langue. Algérie, Maroc, Ile Maurice, Mauritanie et Tunisie comme seconde langue. Les 31 pays africains francophones comprenaient un tiers de la population du continent avec 363 millions d'habitants en 2013. Ce chiffre devrait atteindre entre 785 et 814 millions d'habitants en 2050 selon les estimations des taux de natalité.
 
4, Quels sont les obstacles qui entravent la coopération des deux pays en Afrique?
 
Chacune des deux nations, parce qu’elles sont complémentaires, doivent aussi se rapprocher dans leur approche africaine et rechercher le consensus dans la divergence. Il convient de mettre de côté les clichés pour cela. La France peut notamment prendre acte des réformes que Xi JinPing a lancées dans le domaine du développement durable en 2013, qui marquent une rupture avec son prédécesseur Hu Jintao. Concrètement, Pékin vient d’investir 10 millions de Dollars dans la protection de la faune africaine : souhaitons un maximum d’exemples comme celui-ci.
 
Parallèlement (et je cite là les travaux de Wang Hongyi, Directeur adjoint du Département de recherche sur les pays en développement du China Institute of International Studies), Pékin cerne les limites de sa propre politique africaine. L’aide chinoise n’est pas toujours favorable au développement autonome des pays bénéficiaires en matière d’emploi ou de transfert de technologie quand les projets sont confiés à des entreprises chinoises qui emploient des ouvriers chinois. De plus, si la Chine a annoncé 12 milliards de Dollars de plus d’aide à l’Afrique cette année, elle devra les distribuer sans creuser l’endettement des pays bénéficiaires, que la communauté internationale avait fait l’effort de désendetter. Enfin, elle pourrait reconsidérer sa politique de non-ingérence dans des cas humanitaires critiques comme le Darfour au Soudan, ou sa diplomatie bilatérale qui l’aliène de certains pays comme le Swaziland ou le Burkina Faso qui reconnaissent Taiwan et non la République Populaire de Chine.
 
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Ancien expatrié en Chine et à Taiwan, Philippe du Fresnay est un économiste formé à l’Insead, Harvard, Shanghai University of Finance and Economics et National Taiwan Normal University. Président du Club d’Intelligence Economique de l’Insead, il a été publié dans la plupart des pays francophones. A l’occasion de la visite du Président chinois Xi en France, il a expliqué sur les principaux medias les avantages d’une coopération économique franco-chinoise sur un troisième marché : l’Afrique.



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