L’année dernière, pour rendre un hommage mérité au vieux chantre du rythme bikutsi, après plus de 50 ans carrière, l’Association Umbrella For Youth a organisé une série de manifestations. A cette occasion, le Musée national, haut lieu du patrimoine commun de tous les Camerounais, aura servi de cadre à un concert réunissant des artistes camerounais et français, le 22 décembre 2024.
C’est donc cet endroit mythique, chargé d’histoire du pays, qui a été choisi pour célébrer la carrière de l’un des dinosaures de la musique camerounaise, et porte-étendard de la culture de son pays à travers le monde. Pour accompagner « Rossignol », dont le chant aura été véritablement varié et harmonieux, sur scène, plusieurs artistes triés sur le volet : Queen Etemé, Manga Lucky, Petit Cerveau, Tonton Le Show, Lea Jin Messomo, Pathy Lamy et Reme Star. L’on n’oublie pas les invités spéciaux venus de France, Jean Christophe Berthet, Guillaume Cros et Simba Daniel et surtout, les joueurs de balafons qui font savourer au public de l’esplanade du Musée National, des airs traditionnels.
A cette occasion, le riche répertoire de l’artiste a été visité, à travers une douzaine de titres aux sonorités alliant le bikutsi au jazz, en passant par la rumba et le soukous, le tout dans une symphonie partagée entre des instruments traditionnels et modernes. Le public va ainsi déguster, entre autres titres à succès : Alug, Super Man Ebouan, Mbgwa E Mot, Chérie Marie, Longue Bouche, Alig Ma et Maquillage.
Le concert aura été non seulement un moment de communion artistique entre le vieux briscard et la génération montante, mais aussi un moment de symbiose avec des musiciens que Mama Ohandja aura formés en France, et qui sont présents sur cette scène pour l’accompagner. Au final, deux entités artistiques à la manœuvre : l'orchestre Confiance Jazz France et l'orchestre de la CRTV.
La promotrice de ce grand spectacle, Mme Blanche Ekoh Mama (fille de l’artiste), par ailleurs présidente fondatrice de l’Association Umbrella For Youth, sera appuyée par l’intrépide Queen Eteme, une habituée des grandes scènes qui s’est muée en véritable cheffe d’orchestre intransigeante. Et c’est avec une voix pleine d’émotion, les larmes aux yeux, que le chanteur déclare à la presse : « les mots me manquent pour exprimer ma joie, merci pour cet hommage que l’on me rend de mon vivant... ». Et ce sera la dernière scène de Mama Ohandja…
À l’origine, le bikutsi
Dès les années 1970, Mama Ohandja a bercé la tendre enfance de plusieurs générations de Camerounais et d’Africains. Son rythme musical a endiablé les scènes de son pays, en Afrique et même en Europe. Avec sa voix imposante, souvent rocailleuse, mais toujours étincelante de messages, il a distillé un mélange de péripéties émotionnelles, et de sonorités de la vie socio-culturelle de son terroir.
Il faut dire qu’à l’origine, le bikutsi est une musique et une danse exécutée par les femmes, lors des cérémonies de réjouissances, au sein des Beti du Cameroun. « Bikut » signifie frapper et « si », le sol.
Légende vivante et figure incontournable de la musique camerounaise, « Le Rossignol » est un artiste aux multiples talents. En même temps chanteur, arrangeur, danseur et chorégraphe, Mama Ohandja a marqué de son empreinte indélébile, l’histoire musicale du Cameroun et de son continent, à travers une carrière exceptionnelle. Un succès retentissant Alors qu’à l’époque, les mélomanes du continent étaient influencés par les orchestres des deux Congo, avec en prime l’OK Jazz de Franco, et le rythme kényan, Confiance Jazz s’était imposé comme une alternative de poids.
Né en 1942 à Ebanga (Okola), d’une famille de musiciens (ses parents exécutaient des chants traditionnels du Cameroun), dans le département de la Lekié, région du Centre, Mama Ohandja débute sa carrière musicale dans les années 1960. Il interprète à cette époque des chansons africaines, latino-américaines et européennes dans des cabarets, avec son groupe De Mandoline Jazz d'Efok. L’homme se fait rapidement connaître par sa voix puissante et vibrante, mais aussi par son talent pour la composition et l'arrangement.
En 1970, il monte en puissance sur la scène avec Confiance Jazz et le Ballet Eton de la Lékié. Suivra alors une longue décennie, d’une discographie prolifique, avec des rythmes variés. Au début des années 1980, l’artiste va crever l’écran avec la sortie de l’une de ses chansons les plus célèbres, « Super mon ebon » (ma dulcinée). Déjà à ses débuts, Mama Ohandja a chanté en 1967, à l’occasion d’une réception de John Ngu Foncha, alors ancien vice-président de la République.
Dès 1975, il anime les manifestations nationales, et en 1982, il chante lors de la semaine culturelle marquant le 10ème anniversaire de la Révolution pacifique du 20 mai 1972. Il se produit lors de la prise de fonction de Paul Biya comme président de la République, en novembre 1982.
Entre autres, l’homme peut se réjouir d’avoir chanté à l’inauguration de la Camair en 1971, à l’inauguration du pont de l’Enfance, et au cours de l’inauguration du chemin de fer Douala-Nkongsamba. Par ailleurs, il entame plusieurs tournées à travers l’Afrique, non sans participer avec brio à la réalisation des « Fleurs musicales du Cameroun » en 1982. Son succès retentissant sur la scène musicale lui permet d’être élu délégué régional de la Mutuelle des Artistes Camerounais (MAC) en 1988.
Un air de reconnaissance
Il fait désormais partie du gotha des musiciens les plus influents au Cameroun, en mariant avec dextérité les musiques traditionnelles, au travers des instruments modernes : mélange de tam-tams, balafons et d'instruments électriques.
Dans le cadre de la coopération culturelle, il s’installe en France en 1992, et en 2007, Mama Ohandja invente et fait breveter le « balafson ». Il s’agit d’un petit boitier transformant le son de la guitare, en un son proche du balafon, afin de redonner au bikutsi le son originel. Le public international découvre ainsi les sonorités de cet instrument dans « Longue Langue », son opus paru en 2010.
Consacré à la danse, cet opus laisse entendre du bikutsi ou de l’ékomot (son rythme fétiche, une variante du bikutsi), flirtant avec d’autres influences (twist, jazz, valse, tango, rock ou rumba congolaise), comme dans « Dzé Engabo ». Il s’agit, dans cette optique, de rénover l’âme éblouissante du rythme bikutsi, pour lui assigner une dimension internationale.
Entre temps, Mama Ohandja est invité à poser sa voix sur Assiko Mintanan, un titre bikutsi rock de l’album Lychee Queen (2008) du groupe de trip-hop français, fondé par le batteur Cyril Atef et le violoncelliste Vincent Segal. Au cours de sa carrière, alors qu’il collabore avec de nombreux artistes de renom, tels que Manu Dibango, Peter Gabriel et Salif Keita, sa participation à de nombreux festivals internationaux lui a ainsi permis de recevoir plusieurs prix et distinctions.
Mama Ohandja est également un artiste engagé, car ses chansons abordent souvent des thèmes qui ont une consonance socio-politique. Dès lors, le patriarche n'hésite pas à utiliser sa voix pour défendre les causes qui lui tiennent à cœur. Et aujourd’hui, il est temps de savourer un air de reconnaissance à l’endroit de cette icône qui aura comptabilisé plus de 50 ans de carrière musicale.
Une bibliothèque sonore s’en est allée ! Mama Ohandja reste une fierté pour sa Lékié natal, pour le Cameroun et le continent africain. Salut l’artiste !
DISCOGRAPHIE
1971 - Mot ane mben meyen m’oyab
1972 - Souvenirs de la Cogéfar
1973 - Chérie Marie
1974 – Dzen Okala Woe
1974 – Chérie Antoinette
1977 – Ndzug obele ma
1982 – Fleurs musicales du Cameroun (Collectif d’artistes africains)
1982 - Les conséquences de la prison
1985 – Nnomo nga wono
1989 - Alug
1993 – Bikutsi sous haute tension
1994 – Allez les Lions indomptables (Collectif d’artistes camerounais)
1998 - Honneur aux Lions indomptables du Cameroun
2002 - "T-Bone-Garnerius" de Vincent Segal (Lead vocal sur Nnomo Nga Wono)
2002 - Étude du Bikutsi
2008 - Lychee Queen de Bumcello (lead vocals sur Assiko Mintanan)
2010 - Longue langue
C’est donc cet endroit mythique, chargé d’histoire du pays, qui a été choisi pour célébrer la carrière de l’un des dinosaures de la musique camerounaise, et porte-étendard de la culture de son pays à travers le monde. Pour accompagner « Rossignol », dont le chant aura été véritablement varié et harmonieux, sur scène, plusieurs artistes triés sur le volet : Queen Etemé, Manga Lucky, Petit Cerveau, Tonton Le Show, Lea Jin Messomo, Pathy Lamy et Reme Star. L’on n’oublie pas les invités spéciaux venus de France, Jean Christophe Berthet, Guillaume Cros et Simba Daniel et surtout, les joueurs de balafons qui font savourer au public de l’esplanade du Musée National, des airs traditionnels.
A cette occasion, le riche répertoire de l’artiste a été visité, à travers une douzaine de titres aux sonorités alliant le bikutsi au jazz, en passant par la rumba et le soukous, le tout dans une symphonie partagée entre des instruments traditionnels et modernes. Le public va ainsi déguster, entre autres titres à succès : Alug, Super Man Ebouan, Mbgwa E Mot, Chérie Marie, Longue Bouche, Alig Ma et Maquillage.
Le concert aura été non seulement un moment de communion artistique entre le vieux briscard et la génération montante, mais aussi un moment de symbiose avec des musiciens que Mama Ohandja aura formés en France, et qui sont présents sur cette scène pour l’accompagner. Au final, deux entités artistiques à la manœuvre : l'orchestre Confiance Jazz France et l'orchestre de la CRTV.
La promotrice de ce grand spectacle, Mme Blanche Ekoh Mama (fille de l’artiste), par ailleurs présidente fondatrice de l’Association Umbrella For Youth, sera appuyée par l’intrépide Queen Eteme, une habituée des grandes scènes qui s’est muée en véritable cheffe d’orchestre intransigeante. Et c’est avec une voix pleine d’émotion, les larmes aux yeux, que le chanteur déclare à la presse : « les mots me manquent pour exprimer ma joie, merci pour cet hommage que l’on me rend de mon vivant... ». Et ce sera la dernière scène de Mama Ohandja…
À l’origine, le bikutsi
Dès les années 1970, Mama Ohandja a bercé la tendre enfance de plusieurs générations de Camerounais et d’Africains. Son rythme musical a endiablé les scènes de son pays, en Afrique et même en Europe. Avec sa voix imposante, souvent rocailleuse, mais toujours étincelante de messages, il a distillé un mélange de péripéties émotionnelles, et de sonorités de la vie socio-culturelle de son terroir.
Il faut dire qu’à l’origine, le bikutsi est une musique et une danse exécutée par les femmes, lors des cérémonies de réjouissances, au sein des Beti du Cameroun. « Bikut » signifie frapper et « si », le sol.
Légende vivante et figure incontournable de la musique camerounaise, « Le Rossignol » est un artiste aux multiples talents. En même temps chanteur, arrangeur, danseur et chorégraphe, Mama Ohandja a marqué de son empreinte indélébile, l’histoire musicale du Cameroun et de son continent, à travers une carrière exceptionnelle. Un succès retentissant Alors qu’à l’époque, les mélomanes du continent étaient influencés par les orchestres des deux Congo, avec en prime l’OK Jazz de Franco, et le rythme kényan, Confiance Jazz s’était imposé comme une alternative de poids.
Né en 1942 à Ebanga (Okola), d’une famille de musiciens (ses parents exécutaient des chants traditionnels du Cameroun), dans le département de la Lekié, région du Centre, Mama Ohandja débute sa carrière musicale dans les années 1960. Il interprète à cette époque des chansons africaines, latino-américaines et européennes dans des cabarets, avec son groupe De Mandoline Jazz d'Efok. L’homme se fait rapidement connaître par sa voix puissante et vibrante, mais aussi par son talent pour la composition et l'arrangement.
En 1970, il monte en puissance sur la scène avec Confiance Jazz et le Ballet Eton de la Lékié. Suivra alors une longue décennie, d’une discographie prolifique, avec des rythmes variés. Au début des années 1980, l’artiste va crever l’écran avec la sortie de l’une de ses chansons les plus célèbres, « Super mon ebon » (ma dulcinée). Déjà à ses débuts, Mama Ohandja a chanté en 1967, à l’occasion d’une réception de John Ngu Foncha, alors ancien vice-président de la République.
Dès 1975, il anime les manifestations nationales, et en 1982, il chante lors de la semaine culturelle marquant le 10ème anniversaire de la Révolution pacifique du 20 mai 1972. Il se produit lors de la prise de fonction de Paul Biya comme président de la République, en novembre 1982.
Entre autres, l’homme peut se réjouir d’avoir chanté à l’inauguration de la Camair en 1971, à l’inauguration du pont de l’Enfance, et au cours de l’inauguration du chemin de fer Douala-Nkongsamba. Par ailleurs, il entame plusieurs tournées à travers l’Afrique, non sans participer avec brio à la réalisation des « Fleurs musicales du Cameroun » en 1982. Son succès retentissant sur la scène musicale lui permet d’être élu délégué régional de la Mutuelle des Artistes Camerounais (MAC) en 1988.
Un air de reconnaissance
Il fait désormais partie du gotha des musiciens les plus influents au Cameroun, en mariant avec dextérité les musiques traditionnelles, au travers des instruments modernes : mélange de tam-tams, balafons et d'instruments électriques.
Dans le cadre de la coopération culturelle, il s’installe en France en 1992, et en 2007, Mama Ohandja invente et fait breveter le « balafson ». Il s’agit d’un petit boitier transformant le son de la guitare, en un son proche du balafon, afin de redonner au bikutsi le son originel. Le public international découvre ainsi les sonorités de cet instrument dans « Longue Langue », son opus paru en 2010.
Consacré à la danse, cet opus laisse entendre du bikutsi ou de l’ékomot (son rythme fétiche, une variante du bikutsi), flirtant avec d’autres influences (twist, jazz, valse, tango, rock ou rumba congolaise), comme dans « Dzé Engabo ». Il s’agit, dans cette optique, de rénover l’âme éblouissante du rythme bikutsi, pour lui assigner une dimension internationale.
Entre temps, Mama Ohandja est invité à poser sa voix sur Assiko Mintanan, un titre bikutsi rock de l’album Lychee Queen (2008) du groupe de trip-hop français, fondé par le batteur Cyril Atef et le violoncelliste Vincent Segal. Au cours de sa carrière, alors qu’il collabore avec de nombreux artistes de renom, tels que Manu Dibango, Peter Gabriel et Salif Keita, sa participation à de nombreux festivals internationaux lui a ainsi permis de recevoir plusieurs prix et distinctions.
Mama Ohandja est également un artiste engagé, car ses chansons abordent souvent des thèmes qui ont une consonance socio-politique. Dès lors, le patriarche n'hésite pas à utiliser sa voix pour défendre les causes qui lui tiennent à cœur. Et aujourd’hui, il est temps de savourer un air de reconnaissance à l’endroit de cette icône qui aura comptabilisé plus de 50 ans de carrière musicale.
Une bibliothèque sonore s’en est allée ! Mama Ohandja reste une fierté pour sa Lékié natal, pour le Cameroun et le continent africain. Salut l’artiste !
DISCOGRAPHIE
1971 - Mot ane mben meyen m’oyab
1972 - Souvenirs de la Cogéfar
1973 - Chérie Marie
1974 – Dzen Okala Woe
1974 – Chérie Antoinette
1977 – Ndzug obele ma
1982 – Fleurs musicales du Cameroun (Collectif d’artistes africains)
1982 - Les conséquences de la prison
1985 – Nnomo nga wono
1989 - Alug
1993 – Bikutsi sous haute tension
1994 – Allez les Lions indomptables (Collectif d’artistes camerounais)
1998 - Honneur aux Lions indomptables du Cameroun
2002 - "T-Bone-Garnerius" de Vincent Segal (Lead vocal sur Nnomo Nga Wono)
2002 - Étude du Bikutsi
2008 - Lychee Queen de Bumcello (lead vocals sur Assiko Mintanan)
2010 - Longue langue
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Cameroun: Mama Ohandja, le dernier chant du Rossignol








