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AFRIQUE

Madagascar : inauguration du plus long téléphérique d’Afrique et du monde francophone


Alwihda Info | Par Ilyes Zouari, Président du CERMF (Centre d'étude et de réflexion sur le Monde francophone) - 16 Septembre 2025


Chose passée presque inaperçue, la capitale malgache Antananarivo vient d’inaugurer, au mois d’août, le plus long téléphérique d’Afrique et du monde francophone, et le deuxième plus long au monde en dehors de l’Amérique latine.


Le téléphérique d'Antananarivo, Madagascar (inauguré le 15 août 2025) © DR
Le téléphérique d'Antananarivo, Madagascar (inauguré le 15 août 2025) © DR
S’étirant sur 8,7 kilomètres, il est désormais la vitrine, de surcroît 100 % écologique, d’une ville et d’un pays qui commencent à se doter d’infrastructures modernes… après un long sommeil. Au bout de deux années de travaux, la « ligne orange » a été inaugurée le vendredi 15 août dernier, avant d’être ouverte au public dès le lendemain. Installée par l’entreprise française Poma, un des leaders mondiaux en la matière, et s’appuyant sur un financement franco-malgache de 152 millions d’euros, cette ligne s’inscrit dans le cadre d’un engouement mondial pour le transport par câble observé depuis une dizaine d’années, et contribuera à faciliter les déplacements et à réduire la pollution dans une capitale déjà très embouteillée.

La plus longue ligne de transport par câble d’Afrique et du monde francophone
Reliant le quartier d’Ambatobe au lac Anosy, et d’une longueur de 8,7 km, la ligne orange compte non moins de sept stations, desservies par 198 cabines d’une capacité de 12 passagers chacune. Avec une vitesse moyenne de 20 km/h, et évoluant à une hauteur de plus de 50 mètres à certains endroits, cette infrastructure permettra de parcourir la distance en moins de 30 minutes. À terme, et à une date encore indéterminée, une seconde ligne devrait être construite, et se dénommer « ligne verte ». Le téléphérique d’Antananarivo, qui est techniquement une télécabine (comme la majorité des installations urbaines désignées par le terme téléphérique à travers le monde), permet donc à Madagascar de faire désormais partie du cercle très restreint des pays africains dotés d’un système de transport par câble (avec l’Algérie, le Maroc, l’Égypte et l’Afrique du Sud), tout en affichant un record continental et francophone.

En effet, la ligne orange est désormais la plus longue ligne d’Afrique, devant celle reliant la ville de Blida au parc national de Chréa, en Algérie (longue de 7,1 km, et inaugurée en 1984), celle de la ville nouvelle de Galala, en Égypte (4,4 km, reliant la cité à sa station balnéaire, et inaugurée en 2018) et celle reliant la ville d’Annaba à la localité de Seraïdi, en Algérie également (4,1 km et mise en service en 1986).

Tout comme le téléphérique d’Antananarivo, ces dernières lignes de transport par câble, en Algérie et en Égypte, ont également été construites par la même entreprise française. Par ailleurs, le plus ancien des téléphériques africains, installé en 1929 dans la ville sud-africaine du Cap, et permettant d’atteindre le sommet de la montagne de la Table, est aujourd’hui très largement dépassé, avec ses 1 200 mètres de longueur seulement.

Quant au niveau francophone, la nouvelle ligne malgache se place devant celle de Blida-Chréa, celle de la station de sports d’hiver des Deux Alpes, en France (le Jandri, s’étirant sur 6,4 km et mis en service en décembre 2024), et celle d’Annaba-Seraïdi. Inauguré en mai 2022, et long de 3 km, le Téléo de la ville de Toulouse est le plus long téléphérique urbain de France, et dépasse d’ailleurs, de peu, celui de la ville de Saint-Denis, sur l’île de la Réunion, voisine de Madagascar, et qui avait été inauguré deux mois plus tôt (2,7 km).

Au passage, le téléphérique d’Antananarivo demeurera donc très loin devant la future ligne dénommée « le Câble 1 », qui devrait ouvrir fin 2025 en banlieue parisienne (reliant les communes de Créteil et de Villeneuve-Saint-Georges, dans le département du Val-de-Marne). Pourtant, et avec ses 4,5 km de longueur, cette réalisation constituera le plus long téléphérique urbain du continent européen, devant celui de la ville de Nijni Novgorod, en Russie (3,7 km, inauguré en 2012 et également construit par la société française Poma).

Enfin, et au niveau mondial, la ligne orange d’Antananarivo se classe en cinquième position des lignes de transport par câble, tout en étant la seconde en dehors de l’Amérique latine. En effet, elle est précédée par le téléphérique de Mérida, au Venezuela (12,5 km, reliant la ville de Mérida au Pic Espejo, à 4 765 m d’altitude), suivi par les deux premières et récentes lignes du réseau Cablebús de la ville de Mexico (les lignes 2 et 1, respectivement longues de 10,6 km et de 9,2 km, et inaugurées en 2021), et par celle reliant la ville Zlatibor à la station de ski de Tornik, en Serbie (9 km, mise en service en 2022, et elle aussi construite par l’entreprise Poma).

Par ailleurs, et pour ce qui est de la longueur totale des réseaux existants de transport par câble, celui de la capitale malgache, qui ne compte pour l’instant qu’une seule ligne, se classe également en tête des réseaux d’Afrique et du monde francophone, devant ceux de Blida et d’Alger (six lignes pour la capitale algérienne, avec une longueur totale de 6 km).

Au niveau mondial, il arrive au septième rang, derrière le réseau Mi Teleférico de la capitale bolivienne La Paz (onze lignes pour un total de 32 km), le réseau Cablebús de Mexico (25,2 km, trois lignes), le Metrocable de la ville colombienne de Medellin (14,6 km, six lignes, construites par l’entreprise Poma), le Mexicable de l’État de Mexico (13,1 km, deux lignes, non loin du réseau Cablebús), et ceux de Mérida (12,5 km) et de Zlatibor (9 km).

Si le téléphérique d’Antananarivo transporte déjà quelques milliers de personnes quotidiennement, en étant ouvert uniquement aux heures de pointe, soit quatre heures par jour, il devrait pouvoir transporter autour de 50 000 passagers par jour d’ici janvier 2026, lorsqu’il atteindra sa pleine puissance grâce à l’entrée en service d’un parc solaire, actuellement en construction (la ligne étant actuellement alimentée par des groupes électrogènes, avant de l’être provisoirement par un système de batteries à partir d’octobre). Ainsi, ce téléphérique fonctionnera de manière totalement écologique, tout en contribuant à réduire la pollution liée à la circulation automobile dans cette capitale d’environ 3,5 millions d’habitants, marquée par de nombreux embouteillages quotidiens.

Si le prix du ticket, fixé à 3 000 Ariary (environ 0,60 €), peut être considéré comme étant encore assez élevé pour la plupart des citoyens malgaches, il demeure toutefois largement plus abordable que celui des déplacements en taxi ou en taxi-moto. En attendant que l’élévation progressive du niveau de vie ne le rende encore plus abordable, ce coût devrait donc, tout de même, permettre à une partie non négligeable de la population de la capitale de bénéficier au moins ponctuellement de ce nouveau service, et de gagner un temps considérable dans les trajets.

Un pays au grand potentiel qui se modernise (enfin)
Le téléphérique d’Antananarivo s’inscrit dans le cadre d’un vaste programme de modernisation du pays, qui accuse aujourd’hui un grand retard en matière de développement et d’infrastructures par rapport à bon nombre de pays d’Afrique subsaharienne, comme la Côte d’Ivoire, le Sénégal, le Cameroun ou le Kenya.

En effet, et alors que la Grande île comptait parmi les pays les plus développés d’Afrique subsaharienne en 1960, au moment de son indépendance, elle figure aujourd’hui parmi les plus pauvres du continent, après avoir été affaiblie par deux décennies d’une expérience socialo-communiste (de la révolution de 1972 à la chute de l’Union soviétique, marquée par la sortie de la zone franc en 1973, et par un rapprochement poussé avec la Russie), puis par de nombreuses années d’instabilité politique.

À titre d’exemple, et selon les dernières données de la Banque mondiale, Madagascar a affiché en 2024 un PIB par habitant de seulement 545 dollars, très loin derrière les 2 710 dollars de la Côte d’Ivoire (pays le plus riche d’Afrique de l’Ouest continentale), et des 2 206 dollars par habitant du Kenya (pays le plus riche d’Afrique de l’Est continentale, hors Djibouti francophone). Un écart très important, même s’il convient de préciser que les données relatives à Madagascar sont quelque peu sous-évaluées, compte tenu de l’absence d’un rebasage récent du PIB.

Ainsi, de grands chantiers d’infrastructures sont actuellement en cours, et en particulier dans les domaines des transports et de la production d’électricité, deux secteurs clés pour le développement économique d’un pays. Parmi ces chantiers, celui de la construction par une entreprise égyptienne de la première autoroute de Madagascar, reliant sur une longueur de 260 km la capitale à Tamatave, ville portuaire et deuxième ville du pays, a déjà commencé et devrait se terminer au plus tard début 2028 (divisant ainsi par quatre la durée du trajet, compte tenu du tracé et de l’état actuels de la route).

De même, et parallèlement à la mise en service de son téléphérique, la capitale malgache vient de recevoir, entre les mois de juin et d’août derniers, non moins de 312 bus de la marque chinoise Foton, destinés à moderniser la flotte des véhicules de transport collectif de la capitale, en la dotant enfin de « véritables bus » (les bus actuels, dénommés taxi-be, n’étant que de simples fourgons de transport de personnes, avec une capacité limitée à moins de 20 passagers, en plus d’être souvent particulièrement usés et polluants).

Quant à la production d’électricité, les autorités malgaches ont mis en place un ambitieux programme devant permettre au pays d’augmenter de moitié sa production électrique d’ici 2030, tout en privilégiant les énergies renouvelables (qui devraient représenter 85% du mix énergétique national en 2030, contre 45% actuellement), et en particulier l’hydroélectricité, compte tenu du potentiel important du pays en la matière.

Ainsi, de nombreux projets ont déjà été lancés ou sont sur le point de l’être, comme la construction d’un vaste parc solaire de 100 mégawatts à proximité de la capitale (qui alimentera notamment le téléphérique d’ici janvier 2026), la construction d’une centrale électrique thermique de 105 mégawatts à Ambohimanambola (dans le centre du pays, et qui entrera en production d’ici à la fin de l’année), ou encore l’édification du barrage de Volobe, qui sera le plus grand barrage hydroélectrique de la Grande île.

Ce dernier, situé dans le centre-est du pays, et dont le chantier devrait bientôt commencer, aura une capacité de 120 mégawatts et devrait être achevé d’ici 2030, pour un coût global d’environ 600 millions d’euros. Cet ambitieux programme permettra ainsi d’améliorer significativement la couverture électrique du pays, où seulement 39,4 % de la population avait accès à l’électricité en 2023, selon la Banque mondiale, contre une moyenne de 53,3 % pour l’Afrique subsaharienne, et de 100 % pour le Maghreb. Et ce, tout en réduisant considérablement les délestages qui se produisent fréquemment et entravent sérieusement le développement de nombreuses activités économiques, comme le tourisme qui souffre également du manque d’infrastructures en matière routière et aéroportuaire, ou encore en matière d’accès régulier à l’eau potable.

Ainsi, le secteur touristique demeure embryonnaire avec seulement près de 300 000 touristes étrangers reçus en 2024, soit plus de quatre fois moins que l’île Maurice voisine (près de 1,4 million pour ce petit pays insulaire, 25 fois moins peuplé et 288 fois moins étendu que Madagascar), ou encore sept fois moins que le nombre de touristes uniquement non africains reçus par l’Afrique du Sud (2,1 millions, soit 24 % du total des visiteurs étrangers), et 30 fois moins que le nombre de touristes étrangers accueillis par le Maroc (8,9 millions, très majoritairement non africains).

Le gouvernement malgache souhaite d’ailleurs tripler le nombre annuel de visiteurs d’ici 2028, pour atteindre le million de touristes étrangers. Le développement des infrastructures ne pourra donc que favoriser l’émergence économique de ce vaste pays, plus étendu que la France et qui ne manque pas d’atouts. En effet, et en l’absence de déserts et de forêts équatoriales denses, rendant ainsi exploitable l’intégralité du territoire, la Grande île dispose d’un grand potentiel agricole et hydroélectrique, grâce à son climat et à ses nombreux fleuves, mais aussi d’un sous-sol riche, de paysages paradisiaques et d’une situation géographique stratégique dans l’Océan indien.

À titre d’exemple, Madagascar est le premier producteur mondial de vanille (introduite par la France au 19e siècle, et deuxième épice la plus chère au monde, après le safran) ainsi que le premier producteur mondial de saphir et le troisième pour le graphite. Le pays a donc parfaitement la capacité de redevenir à moyen terme un des pays africains les plus développés et les plus dynamiques, voire de rivaliser avec la Côte d’Ivoire, qui a le même poids démographique (32 millions également), et qui est depuis déjà plus d’une décennie l’économie la plus dynamique du continent, avec des taux de croissance élevés (6,7 % en moyenne annuelle sur la période 2012-2024, et 6,0 % en 2024) malgré un niveau de richesse déjà important (PIB par habitant actuel 2,7 fois supérieur à ceux de l’Éthiopie et du Rwanda, ou encore 3,4 fois supérieur à celui du Nigeria).

Grâce à son dynamisme, la Côte d’Ivoire est ainsi devenue le pays le plus riche d’Afrique de l’Ouest, en réussissant l’exploit de dépasser le Ghana et le Nigeria, malgré leur écrasante supériorité en matière de richesses naturelles. En effet, et avec un PIB par habitant de 2 710 dollars en 2024, celle-ci dépasse le Ghana (2 406 dollars) qui a produit, pour une population presque égale, 4,6 fois plus de pétrole et 2,4 fois plus d’or la même année, et dépasse très largement le Nigeria (807 dollars seulement) qui a extrait près de 33 fois plus de pétrole !

De même, la Côte d’Ivoire vient de réussir l’exploit de devancer la Tanzanie en matière de PIB nominal, malgré une population deux fois inférieure. Occasion de rappeler que l’Afrique francophone demeure globalement la partie économiquement la plus dynamique du continent, la plus industrialisée, la moins endettée, la moins touchée par l’inflation, ainsi que la partie la moins frappée par la corruption, la criminalité, les violences interethniques et les guerres civiles.

Si les grands travaux d’infrastructures se poursuivent, et qu’ils s’accompagnent surtout des réformes nécessaires en matière de bonne gouvernance et d’environnement des affaires (procédures administratives, cadres réglementaire et fiscal…), Madagascar a donc tous les atouts pour devenir, à son tour, un modèle de développement économique et de réussite pour toute l’Afrique et les pays du Sud.



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